Les Lys Noirs (Volume 2)

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Avec l'aide d'intrépides aventuriers, nous finîmes par découvrir la raison derrière l'apparition de chacune des sorcières spectrales.
Grâce à ces précieuses informations, les exorcistes dans chaque ville se mirent silencieusement au travail, utilisant leurs pouvoirs pour bannir ces esprits, à l'aube du lendemain du Festival de la Moisson.
C'est alors qu'une des sorcières révéla une incroyable vérité, vieille de deux décennies...

La cité de San d'Oria était drapée dans un ténu manteau de brume matinale ; le silence contrastait avec l'agitation tumultueuse du Festival de la Moisson qui venait de prendre fin.

Déambulant le long des allées faiblement éclairées, je croisai des citoyens partant travailler, la tête rentrée dans les épaules pour essayer de se protéger contre le froid matinal. Un chariot craquant et branlant rempli à ras bords de sacs de blé, tiré par un chocobo se traînait péniblement sur le chemin tandis qu'une bande de jeunes et intrépides aventuriers le dépassait.
Les allées étaient jonchées de fleurs aux couleurs vives qui se transformaient en papiers de bonbon multicolores. Hier encore, on entendait les voix excitées des enfants comparant leurs sacs de sucreries dans cette même rue. Ces enfants étaient probablement encore plongés dans leurs rêves à cette heure.

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« Brian. Gertrude. Avec l'aide de ces aventuriers, nous connaissons enfin les motivations de ces sinistres esprits. Le moment de les exorciser est venu. »

La voix ferme de Roger, mon collègue exorciste, me parla à travers la linkperle accrochée à mon oreille.

« Qui aurait cru qu'une idée si simple nous permettrait de comprendre la Langue Maudite. Ces aventuriers doivent avoir l'oreille fine, » ajouta Brian en étouffant un bâillement.

La Langue Maudite.
Tous les habitants des nations ayant pris part à la Grande Guerre se souviennent du langage angoissant des Lys noirs.
Il s'élevait dans les airs et planait sur le champ de bataille comme un chuchotement de mort, accompagnant le battement menaçant des gongs des armées d'hommes-bêtes...

Juste avant le début du Festival de la Moisson, c'était Roger qui, ayant passé sa jeunesse à Bastok pendant la guerre, avait pu nous éclairer sur les origines du langage des sorcières.
Selon lui, ce langage était instinctivement compréhensible par toutes les créatures des ténèbres. On raconte que le Seigneur des Ombres encouragea son utilisation afin de combler le fossé des différences raciales et culturelles entre les diverses armées d'hommes-bêtes.

Je n'avais eu de cesse de comprendre ce langage depuis que j'avais entendu les murmures de cette sorcière dans les bois de Ronfaure.
Finalement, j'en arrivai à la conclusion qu'il fallait prendre la forme d'un monstre pour comprendre le sens de ces paroles spectrales.

Le festival commença plusieurs jours plus tard, et nous trouva tous les trois à faire aux aventuriers la demande pour le moins étrange de « prendre l'apparence d'un monstre et de suivre les sorcières ».

Je me demande si nous n'étions pas simplement guidés par la Déesse.
Les investigations progressèrent rapidement, et de nombreux aventuriers revinrent avec les indices dont nous avions impérativement besoin pour prendre l'ascendant sur les esprits.

Nos découvertes furent surprenantes.
Nostalgie, espoirs perdus, amours passées...
Ces six sorcières étaient revenues dans leurs villes natales, incapables d'oublier les précieux souvenirs qui agitaient encore leurs âmes.
Et telle était la simple explication au mystère de leur apparition.

« Les Lys noirs n'ont jamais complètement perdu leur être mortel. Et je crois que c'est pour ça que les aventuriers, même sans aucune connaissance de la Langue Maudite, ont pu les comprendre », répondis-je au commentaire précédent de Brian.

Je continuai à marcher, allant au-devant des apparitions qu'il me fallait bannir.

* * *


Tandis que le soleil commençait à se lever du côté de l'orient, je trouvai Poseaulloie, la sorcière elvaan, sur la place des fêtes devant les portes du Château d'Oraguille.
Je vis qu'elle savait pourquoi j'étais venue et pourquoi elle ne pouvait plus rester en ce monde. Elle rejoignit Altana sans incident, et je continuai sur l'Avenue des artisans à la recherche de la dernière sorcière – Maryse.

Je passai la porte et parcourus les allées en bois jusqu'à ce que j'aperçoive l'ombre solitaire de Maryse au bas des escaliers.
Même de loin, son aura incroyable ne me laissa aucun doute – c'était l'esprit que j'avais rencontré dans le Ronfaure le jour de mon arrivée à San d'Oria.

Je m'approchai lentement.

« ...Te souviens-tu de moi, Maryse ? »

La sorcière se tourna vers moi, et je vis comme son regard était vide tandis que la lumière se reflétait dans ses yeux qu'on aurait dit aveugles.

« Je sais pour ton frère...
Il n'y a rien à regretter. Il savait et a pardonné tous tes méfaits. Je suis sûre que tu étais dans ses pensées jusqu'à son dernier jour ... »

Deux traits de lumière coulèrent soudainement sur les joues de la sorcière.

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« Maryse, écoute-moi...
Toi et ton frère... il n'y a plus rien pour vous en ce monde... »

« ...M-mon... frère...»

Maryse enfouit son visage dans ses mains, ses épaules tressautant alors qu'elle sanglotait ces paroles.

« ...Le... Seigneur... des Ombres...Nous... »

Le Seigneur des Ombres.
Ce nom était connu entre tous.

« Dis-moi, Maryse. Qu'est-il arrivé à toi et à tes sœurs ? »

Et c'est ainsi qu'elle commença son histoire vieille de vingt ans, dans une langue dont elle n'avait rien oublié.

* * *


Depuis qu'elle était toute petite, les dons magiques surnaturels de Maryse la faisaient traiter de « sorcière » et inspiraient la terreur à tous. Au fil du temps, même ses propres parents commencèrent à avoir peur de ses pouvoirs naissants.
La seule personne à ne pas se détourner d'elle était son frère aîné. Il disait toujours : « Nous avons tous une destinée écrite pour nous par la Déesse. Un jour viendra où ta magie sera non plus crainte, mais respectée et recherchée. »

Mais quand Maryse finit par apprendre que l'attitude protectrice de son frère lui avait aussi gagné la haine des habitants, elle fuit sa maison et sa famille.

C'est alors qu'elle rencontra au cours de ses voyages cinq autres parias, et leurs destinées se lièrent à jamais. Ces six individus dirent adieu à leur passé tourmenté et créèrent un nouveau sabbat de sorcières – les Lys noirs.

Après la formation des Lys noirs, les six sorcières ressuscitèrent d'anciens sorts de destruction, pour leur propre protection. Leurs actions leur attirèrent une haine encore plus grande du peuple.

Les Lys noirs ne trouvèrent nul accueil sur les terres des enfants d'Altana.
Chassées du monde civilisé, les sorcières cherchèrent abri vers le nord, et finirent par se retrouver aux portes du Château Zvahl – la forteresse du Seigneur des Ombres.
Peut-être cette suite d'événements était-elle inévitable...

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Une audience fut accordée aux six jeunes femmes. Elles parlèrent avec un Ahriman qui représentait le Seigneur des Ombres.

« Quelle proposition fascinante. Vous voulez servir le Seigneur des Ombres ? Pour cela, vous devez embrasser les ténèbres dans lesquelles nous nous complaisons ! »

C'est à ce moment que leur forme et leur langage d'êtres de chair et de sang furent arrachés aux Lys noirs, et qu'elles renaquirent sous la forme de monstrueuses ombres.

Peu après leur transformation, la Grande Guerre étendit sa funeste main sur Vana'diel.
Les Lys noirs furent placées à la tête des armées d'hommes-bêtes et utilisèrent leurs pouvoirs terrifiants pour répandre la mort parmi les forces alliées d'Altana.
Des rumeurs de sorcières éthérées se servant d'une magie ancienne se propagèrent comme une traînée de poudre, et instillèrent la terreur dans le cœur des combattants les plus aguerris.
Mais malgré leur prodigieuse puissance, les six sorcières ne purent empêcher la défaite finale des hommes-bêtes. Et ainsi commença le voyage d'un sabbat qui n'avait plus nulle part où aller.

Leurs jours d'errance sans fin se transformèrent en mois, puis en années...

* * *


Au fur et à mesure qu'elles dérivaient dans un monde qui ne voulait pas d'elles, elles commencèrent lentement à perdre tout sens de ce qu'elles étaient et de ce qu'elles cherchaient.
Après dix, puis vingt ans de cette errance sans âme, Maryse vit qu'elle avait laissé ses compagnes derrière elle pour revenir dans la ville de son enfance.

« J'avais... tout perdu... et n'avais plus nulle part où aller. Ici, au moins... j'avais les souvenirs de... mon frère... »

Maryse baissa les yeux en prononçant ces mots et son apparence devint encore plus vaporeuse, semblant prête à se dissiper à tout instant.

Peut-être Maryse ne voulait-elle pas entendre la vérité. Mais si je ne saisissais pas cette chance de la convaincre, son esprit pouvait errer dans le monde jusqu'à la fin des temps – tout comme ces vingt dernières années.

Mon esprit fermement résolu, je fis face à Maryse une fois de plus.

« Maryse...
Quand vous avez rencontré le représentant du Seigneur des Ombres, il ne vous a pas pris que votre enveloppe et langue mortelles.
Il vous a aussi pris votre vie... et vous a condamnées à cette existence spectrale. »

Maryse releva silencieusement son regard pour rencontrer le mien, et sa voix était emplie de tristesse.

« Je crois... que je le savais...
Ce jour-là... quand j'ai senti la chaleur de ton corps... j'ai connu l'envie...
Je ne suis plus perdue.
S'il te plaît... envoie-moi aux côtés de mon frère... »

« Maryse... »

« Merci... de m'avoir aidée à voir la vérité. »

A cet instant, la lumière dorée du soleil se déversa par-dessus le mur est, baignant tout ce qui était devant dans sa chaleur et sa radiance. Illuminé ainsi, le sourire de Maryse était doux et heureux.

C'était comme si l'avatar d'Altana se tenait devant moi, plein de compassion.

Je fermai les yeux par déférence, et entonnai un passage du tome sacré pour aider son âme dans son dernier voyage.
Je savais que Maryse saurait rejoindre Altana...

Quand j'ouvris les yeux, Maryse avait disparu, mais à sa place flottaient des milliers d'éclats de brillante lumière.
Je restai à les regarder pendant longtemps, tandis que, un par un, ces éclats s'élevaient lentement vers les cieux.

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Illustration by Mitsuhiro Arita
Source : http://www.playonline.com/ff11fr/

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